Archives et collections

C’est en avril 2010 que la Fondation Losseau a fait appel à l’expertise du Mundaneum pour réaliser un constat de l’état des archives de Léon Losseau et des publications « Le Hainaut. L’Encyclopédie provinciale ».

Le travail de terrain débuta en janvier 2011 par une première phase consacrée aux dossiers d’archives de Léon Losseau et aux publications de « Le Hainaut. L’Encyclopédie provinciale ».

Avec l’aide de l’équipe technique du Mundaneum et des quelques bibliothécaires encore présents sur les lieux, les publications de l’Encyclopédie, ficelées dans des paquets constitués de papier journal, ont été déménagées vers un local de travail situé au premier étage de la maison. En raison de déplorables conditions de conservation, la surprise fut grande de découvrir des publications presque intactes à l’ouverture des paquets, la multitude de couches de papier journal ayant sans doute fait office de tampon pour les préserver.

Mais ce grenier était loin d’avoir livré tous ses secrets. Dans la mansarde située au-dessus du local, nous avons découvert une caisse contenant les premiers documents du Cercle archéologique de Mons, datant de 1856 à 1911. Bien que poussiéreux, ils étaient dans un état de conservation remarquable. Ces archives ne concernant pas l’activité de Léon Losseau au sein du Cercle, elles ont été offertes aux Archives de l’Etat à Mons afin de compléter le fonds du Cercle archéologique qui y sont conservées.

Après les publications de l’ « Encyclopédie », c’était au tour des archives personnelles de Léon Losseau de rejoindre le nouveau local de conservation.

Des dizaines de caisses en bois contenant plus de deux mille dossiers nous éclairant sur la personnalité et la vie de cet homme hors du commun, identifiés par Léon Losseau lui-même, ont donc quitté la cave de la maison, en même temps que la collection photographique ainsi que de précieux plans et dessins d’architectes.

Le travail d’archiviste pouvait enfin commencer. Tri, classement, analyse : étapes indispensables pour établir un inventaire qui soit exploitable par la suite.

Le Hainaut. L’Encyclopédie provinciale

Passionné d’histoire, Léon Losseau initie le projet d’une encyclopédie consacrée à sa province natale et le décrit en ces termes : « Cette encyclopédie doit dépasser tout ce qui a été rédigé jusqu’alors et sera composée d’un dictionnaire des communes et d’une série de monographies consacrées chacune à une branche de la Science en l’examinant du point de vue du Hainaut, non seulement du Hainaut actuel (province) mais aussi de l’ancien comté ».

Le premier volet Dictionnaire historique et géographique des Communes du Hainaut est sorti de presse à la veille des hostilités de 1940 et comprenait les chapitres relatifs aux communes de Chièvres, Gerpinnes, Irchonwelz, Leuze, Rameignies, Tournai et Wadelincourt.

Les documents personnels

Avocat, philanthrope, mécène, bibliophile, numismate, bibliographe, photographe, Léon Losseau joua un rôle majeur dans la vie culturelle et intellectuelle montoise et hainuyère. Ses archives personnelles en attestent.

Constituées de plus de deux mille dossiers, leur travail d’inventaire fut, une fois encore, grandement facilité par le caractère ordonné de leur producteur. En effet, chaque dossier comportait déjà un titre et l’ensemble était classé par ordre alphabétique.

Nous y découvrons le monde du Barreau, mais aussi la famille de Léon Losseau, son père Charles, sa mère Hermeline, et sa sœur Jeanne, décédée enfant. Ses amis, ses activités de loisirs dont les parties de chasse sur un terrain à Thuin occupent une grande part de son temps. Ces archives témoignent en outre de la vie quotidienne dans la maison : les courses, l’entretien, les aménagements et la décoration.

Les anecdotes découvertes au fil des pages présentent le personnage sous un autre jour : Léon Losseau aimait les choses raffinées et faisait tailler ses costumes sur mesure à Paris… Il a possédé plusieurs voitures, toujours des Buick, employait un chauffeur et lorsque, pendant la guerre, l’interdiction de circuler en voiture fut prononcée, il n’hésita pas à déclarer que sa Buick était utilisée comme camionnette pour se rendre à son verger ou pour aller chercher son stock de pommes de terre.

La vie quotidienne d’un montois pendant la guerre : un titre qui pourrait en effet convenir aux archives relatives aux deux conflits mondiaux que connut Losseau, sa maison ayant été, chaque fois, réquisitionnée par les Allemands.

Lorsqu’il est expulsé de sa demeure en 1941, il se voit contraint de louer l’hôtel particulier d’un ami, n’ayant pu emporter avec lui que quelques effets personnels. L’accès à sa maison lui est interdit mais le personnel toujours présent sur les lieux le renseigne sur les dommages occasionnés par l’occupant. Après le conflit, l’avocat rédigera plusieurs dossiers afin d’obtenir dédommagement.

Cette période difficile voit aussi un Léon Losseau inquiet pour ses amis, Pauline et Albert François, exilés en France et qu’il tente d’aider en leur faisant parvenir de l’argent. Il se préoccupera également du sort de leur fille, Paule, restée à Bruxelles. Il se trouve démuni face à leur arrestation et leur emprisonnement à Fresnes et Ravensbrück. Le décès de son amie et ses derniers instants dans ce camp lui seront relatés dans la lettre d’une infortunée compagne de baraquement. Dans un courrier adressé à Paule, Léon Losseau exprime son chagrin en ses termes: « Ta douleur, elle est la mienne, je la partage de tout mon cœur ».

Les autres aspects de sa personnalité ne sont pas en reste et de nombreux dossiers témoignent de ses différentes activités intellectuelles. Président du Cercle archéologique, Léon Losseau participera à l’organisation du Congrès d’Archéologie de Mons en 1928. Il fut également membre de nombreuses associations telles que la Société des Bibliophiles belges séant à Mons, qui avait son siège au sein de la Maison Losseau.

L’ensemble de ces documents illustre la vie de ce grand bourgeois, amoureux des arts et des lettres, mais présente aussi le grand intérêt de dresser le tableau de la vie économique et mondaine de Mons en cette première moitié du XXe siècle.

Le patrimoine photographique de Léon Losseau

Léon Losseau s’adonnait à la photographie en amateur, mais il n’hésita pas à faire aménager un laboratoire dans le sous-sol de la maison. C’est dans ce local que nous avons retrouvé la plupart des photographies de la collection Losseau ainsi que quelques appareils très modernes pour l’époque. Aujourd’hui, nous avons pu exhumé et sauvés plus de 800 plaques photographiques qui intéressent beaucoup les amateurs et les historiens. En 2016, 25 tirages ont fait l’objet d’une très belle exposition, « Losseau photographe », à la Maison Losseau.

Parmi les documents, on retrouve beaucoup de portraits de membres de la famille ou d’amis dans le format dit photo-carte, procédé mis au point par Eugène Disderià la fin du XIXe siècle. Ces portraits étaient à l’époque utilisés comme cartes de visite.

Mais de nombreuses photographies prises par Losseau nous font aussi découvrir Mons et les communes avoisinantes entre 1898 et 1905. L’avocat était très rigoureux et chaque négatif sur verre est conservé dans une enveloppe sur laquelle sont indiquées, en plus des lieux et sujets photographiés, les conditions de la prise de vue : date, heure, état du ciel (pluvieux, nuageux, etc.), réglages de l’appareil et caractéristiques de la plaque.

Si, dans certains cas, les plaques de verre sont présentes en double exemplaire dans l’enveloppe, c’est parce que Losseau réalisait des vues stéréoscopiques, c’est-à-dire des photographies en relief : il photographiait un même sujet avec un léger décalage, la lecture de ces tirages se faisant à l’aide de jumelles particulières. En réglant celles-ci, les deux images se superposent et offrent une impression de relief. Deux appareils de lecture ont été retrouvés pour les stéréoscopies : des jumelles de la marque Bellieni et un stéréoscope.

Le laboratoire recélait également des diapositives sur verre : une photographie positive sur verre était montée entre deux plaques, le tout maintenu par un ruban adhésif noir. Ces diapositives, projetées à l’aide d’une lanterne magique à double projection qui a été conservée, étaient probablement utilisées par le Cercle archéologique de Mons ou par la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut. Parmi les sujets traités, on trouve principalement des vues de divers pays : Suisse, Allemagne, Italie, Egypte.

La collection de médailles

L’inventaire de la collection de médailles, toujours en cours, est le dernier travail – colossal -entrepris dans le cadre de cette mission d’expertise. Il semble que Léon Losseau ait hérité d’un bel ensemble de médailles de facture plus conventionnelle et que son père, Charles Losseau, soit à l’origine de sa passion dévorante pour la numismatique. On retrouve donc dans la maison, outre des sujets anciens, plus de dix mille médailles d’art contemporaines, parmi lesquelles la presque totalité de la production de Godefroid Devreese.

Léon Losseau avait pour habitude d’acquérir chaque médaille en double exemplaire afin d’en exposer le droit et le revers. Les œuvres les plus remarquables étaient exposées dans des cadres, accrochés aux murs de l’entrée ou de la salle à manger. Léon Losseau n’hésita pas à faire fabriquer de magnifiques médaillers pour les conserver ou à faire appel à des artistes pour intégrer certaines médailles dans des objets, comme en témoigne l’horloge que l’on peut admirer sur le mur du grand salon et qui présente en son centre une œuvre de Dupuis.

Avant de pouvoir étudier cette collection dans son ensemble, il convient de localiser chacune des médailles. Là encore, les archives de Léon Losseau sont d’un grand secours puisque l’on peut retrouver l’inventaire sous deux formes : d’une part, une liste selon la date d’acquisition et, d’autre part, un inventaire sur fiches bibliographiques classées par ordre alphabétique des artistes. C’est ce dernier qui est privilégié pour le travail de localisation.

La rédaction de ces inventaires témoigne une fois encore de la rigueur de Léon Losseau qui ne se contentait pas d’indiquer le nom de l’artiste et le titre de la médaille, mais qui complétait la fiche descriptive par d’autres éléments tels que la matière de l’objet, les inscriptions au dos et au revers ainsi que la provenance de l’achat.

En conclusion

Nous disposons actuellement d’inventaires intermédiaires des archives et collections de Léon Losseau. L’importance d’un tel travail et la sensibilisation à la conservation d’archives privées, s’ils restent à démontrer, ont notamment été mis en évidence lors de la recherche d’éléments concernant l’aménagement de la maison à partir de 1905, les archives permettant par exemple d’identifier les artisans auxquels Losseau avait fait appel et les matériaux qu’ils avaient utilisés.