Après un roman « biographique » centré sur Jane Grey et intitulé « La reine de neuf jours », le finaliste du Prix Rossel en 2008 est de retour avec un tout nouveau roman. Intitulé Si près de l’aurore, Daniel Charneux brille encore par son écriture et nous entraîne dans une histoire inédite mettant en scène une fille brillante, promise à un destin hors du commun.

Si près de l’aurore, elle ne l’atteindra guère

C’est ce que l’on ressent dès que nos yeux se posent sur la page de couverture du livre de Daniel Charneux, représentant l’œuvre de Paul Delaroche : Le supplice de Jane Grey (1833). Nous assistons, ici, à un roman différent de ce que nous pouvons lire chez l’auteur. En effet, Daniel Charneux nous conte l’histoire de cette jeune fille si brillante (aka Jane Grey) qui sera reine d’Angleterre durant neuf jours, devant malgré elle l’enjeu d’une vaste partie d’échec. Par ailleurs, nous sommes face à un roman qui ne conte pas seulement l’histoire d’un destin individuel. On pourrait même qualifier l’œuvre de « roman d’époque » s’inscrivant parfaitement dans un contexte historique donné, à l’instar de ce que l’auteur nous avait déjà montré avec son étude historique sur Thomas More, en 2015. Amoureux d’histoire et de littérature, votre soif sera assouvie.

Pour information, le livre Si près de l’aurore est disponible aux éditions Luce Wilquin et consultable gratuitement dans notre Centre de Littérature. Vous trouverez toutes les informations concernant nos heures d’ouverture en suivant ce lien.

Les premières lignes du roman…

« En ce temps-là, Dieu était partout et toujours.
Dans les églises et les chapelles, dans les abbayes, dans les monastères, de matines à laudes, de vêpres à complies, des moines embusqués sous leur capuce et des chantres à bedon rond chantaient son nom.
Les oiseaux le louaient dans les parcs et les bois, et les poissons dans les ruisseaux et les rivières, et les cristaux dans chaque pierre ancrée en terre ou roulée, jour après jour depuis la nuit des temps, au lit des cours d’eau qui dessinent leur résille sur la carte d’Angleterre, comme sous la peau le bleu réseau des veines.
Il était de jour, il était de nuit, dans le disque pâle de la Lune, dans chaque étoile piquée sur le cachemire du ciel, dans la brume de la Voie Lactée qu’en ce temps-là, non envahi de lumières factices, vous auriez contemplée comme, aujourd’hui, vous ne l’admirez plus qu’en quelques déserts épargnés où Dieu s’est réfugié dans les replis du sable.
Il était dans l’œil de la biche et dans le raire du cerf, en cet automne de l’an 1537, au cœur de la vaste forêt de Charnwood où les grands ormes peu à peu se dépouillaient de leurs feuilles roussies. C’était octobre. Le 12, à Londres, deux mille coups de canon avaient ému le ciel, saluant la naissance d’un héritier royal, car il avait plu à Dieu de donner au roi Henry, huitième du nom, ce fils tant attendu qu’il baptiserait Edward et qui, quelque jour, perpétuerait la lignée des Tudors.
Le futur Edward VI vagissant dans sa bercelonnette, faiblement, gracilement, sa mère à ses côtés, Jane Seymour, la reine, sa mère épuisée, sa jeune maman primipare aux lèvres minces, aux joues rondes, blonde de poil et de peau, grelottant sous la sueur, servantes remuantes épongeant de lin blanc le sang épais qui lui poissait les jambes. Dans les intermittences de la fièvre, elle prierait Dieu ; les servantes aussi, et son mari le roi, et l’archevêque Cranmer, tous supplieraient ce Dieu qui ne ferait pour elle rien d’autre que la rappeler à lui, douze jours plus tard, et souffler à une autre mère ce prénom, Jane, pour la petite fille née quelques jours après Edward, à Bradgate House, dans le Leicestershire. »

– Charneux, D., Si près de l’aurore, Editions Luce Wilquin, Avin, 2018.

Daniel CHarneux, Si près de l'Aurore