En ce temps de confinement, la Fondation Losseau et le Secteur Littérature de la Province de Hainaut vous proposent de profiter de l’ouverture des bibliothèques et des librairies pour vous présenter l’œuvre d’une autrice ou d’un auteur hainuyère.er à (re)découvrir avec gourmandise. Un rendez-vous hebdomadaire à ne pas manquer ! Aujourd’hui, place à la famille Rimbaud avec un ouvrage signé Dabid Le Bailly.

David Le Bailly. L’autre Rimbaud. L’iconoclaste, 2020. 371 p.

première de couverture de David Le Bailly. L’autre Rimbaud. L’iconoclaste, 2020. 371 p.Arthur Rimbaud a ébloui et fasciné très tôt. Paul Verlaine lui consacre une partie de « Les poètes maudits » dès 1884. Après sa mort, les ouvrages se succèderont pour lui rendre hommage et tenter d’élucider l’énigme Rimbaud : pourquoi a-t-il cessé d’écrire à 21 ans ? Pour y répondre, sa vie et son œuvre ont été épluchées dans les moindres détails et chaque membre de sa famille a fait l’objet d’une biographie, sauf Frédéric Rimbaud : non pas le père (1814-1878), mais le frère aîné, celui que Rimbaud qualifiait de « raté ». Cette injustice est aujourd’hui réparée.

De Frédéric, nous connaissons le visage de jeune communiant. Il s’agit d’une photo prise avec Arthur en 1866. Leur sœur Isabelle la retouchera en 1910, pour écarter Frédéric du cliché. Le travail d’effacement avait déjà commencé.

C’est cette photographie qu’a choisie David Le Bailly pour la couverture de son Autre Rimbaud. L’idée lui en est venue en écoutant une émission sur France Culture. L’écrivain Pierre Michon, parlant de son livre Rimbaud le Fils, disait qu’il n’arrivait pas à écrire sur le frère d’Arthur. David Le Bailly allait s’en charger.

Recherche des descendants, visites dans les villes où il a habité, examen des archives pour dénicher la moindre mention de son nom, l’auteur a passé au peigne fin tous les moments de la vie de Frédéric. Comme Arthur, l’aîné des Rimbaud a agi en opposition à la mère. Si les frasques du cadet furent pardonnées, Vitalie Rimbaud n’adressa plus la parole à Frédéric dès l’instant où il devint militaire. Et le reste de sa vie ne fit qu’aggraver la situation : mariage avec Blanche Justin, emploi de camionneur à la gare d’Attigny, rien ne trouva grâce aux yeux de Vitalie.

L’auteur mélange deux histoires, une première sur un ton journalistique où il se met en scène à la recherche des informations, et une deuxième, plus fictionnelle, pour tenter d’approcher au plus près l’aîné des Rimbaud. Bien que le livre soit fort documenté, il est dommage que nous ne trouvions pas la liste des sources utilisées, notamment celle de la correspondance.

Malgré ce travail d’archiviste, une erreur s’est glissée au sujet d’Une Saison en Enfer. Contrairement à ce que David Le Bailly en dit, en 1898, peu de personnes ont eu accès à ce recueil. Six exemplaires circulaient à l’époque, même si des extraits étaient connus. L’histoire en sera racontée par Léon Losseau dans son Légende de la destruction par Rimbaud de l’édition princeps de « Une saison en enfer ».

Bien que les deux narrations se mêlent, l’histoire est de facture classique et nous tient jusqu’au bout en haleine, car nous demeurons passionnés par tout ce qui touche de près ou de loin à Rimbaud. S’il reste pour nous une énigme, grâce à David Le Bailly, nous nous rendons compte que Rimbaud l’était aussi pour sa famille et ses amis.