Sur la table de nuit de Françoise Houdart  ? Un choix plein de délices…

Chaque semaine, deux auteurs hainuyers nous proposent de (re)découvrir leur livre de chevet… Leurs livres de chevet devrait-on écrire pour Françoise Houdart, que sa gourmandise littéraire a empêché de choisir. Jean Cau, Albert Camus, Jean Giono… autant de délices auxquels vous aurez sans doute envie de goûter !

Ma table de nuit est bien trop petite pour retenir tous les livres dont je la charge et que, fatalement, elle laisse imperceptiblement s’échapper, glisser sur le tapis;  certains se réfugiant sous mon lit!

Il faut avouer que je les soumets à de bien rudes traitements, ces livres qui m’accompagnent jusqu’au seuil du sommeil et qui me rattrapent d’un mot lorsque celui-ci me rejette, glacée et nauséeuse, sur la caillasse de l’insomnie: coins de pages repliés, hiéroglyphes au crayon dans la marge de droite, reliures écartelées pour plus d’espace visuel…  Un combat sans merci.  Ne restent sur ma table de nuit que les plus téméraires, ceux qui ne me lâchent pas l’esprit, la main moins encore.

Première de couverture Jean Cau Croquis de mémoire

Jean Cau, « Croquis de mémoire« , Gallimard, 2018.

Jean Cau est de ceux-là, impitoyable auteur de Croquis de mémoire qu’esquisse sa plume brillante autant qu’impertinente mêlant lucidité, humour et coups de griffe; des Croquis  d’où surgissent des visages, des lieux ou des situations en un florilège de souvenirs.  De Camus, Jean Cau retient l’absolue propreté : « L’Homme révolté aimait l’ordre ciré et sans poussière » – ce qui le changeait beaucoup du « bordel sartrien » et de la « tabagie d’enfer » de celui dont il était le secrétaire particulier.

Mais Camus veillait sur ma table de nuit…  Non point La Peste car rien ne m’aurait plus angoissée en ces temps d’épidémie mortifère.  Non! Le merveilleux Camus de Noces et de L’été.  Et pour vous mettre en désir d’en savourer la lecture, je vous  offre les premiers mots : « Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres.  A certaines heures, la campagne est noire de soleil.  Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent au bord des cils…« 

Première de couverture Albert Camus, Gallimard, Noces

Albert Camus, « Noces« , Gallimard, 1993

Quatre textes qui exaltent les sentiments de Camus et son  amour pour une terre, pour quelques hommes, écrit-il dans L’été à Alger 1 : « savoir qu’il est toujours un lieu où le cœur trouvera son accord; voici déjà beaucoup de certitude pour une seule vie d’homme« .

Peut-être un autre soir, vous parlerai-je de Giono et de cette Trilogie de Pan qu’il faut relire pour se conforter dans la certitude que tout ce qui semble mort, éteint, condamné à l’abandon peut soudain trouver un Regain de bonne vie, comme le bon blé renaît d’une terre endormie.

Françoise Houdart

1.Camus y exalte ses sentiments, sa joie bien sûr dans l’exaltation de la promenade à Tipasa car « le monde est beau, et hors de lui, point de salut », une beauté qui se traduit par cette définition du bonheur : « Qu’est-ce que le bonheur sinon l’accord vrai entre un homme et l’existence qu’il mène ».