Chaque semaine, deux auteurs hainuyers nous proposent de (re)découvrir leur livre de chevet… Aujourd’hui, Annie Préaux nous livre sa lecture de L’Avenue, la Kasbah de Daniel SOIL, paru cette année aux Editions M.E.O., un roman qui mêle Histoire et fiction, idéaux et réalité, livret d’un opéra du XVIIème siècle et échanges ardents d’amoureux d’aujourd’hui.

Annie Préaux : à propos de L’Avenue, la Kasbah de Daniel SOIL, aux éditions, M.E.O., Bruxelles, 2020.

Sur la Table de nuit d'Annie Préaux

L’Avenue, la Kasbah de Daniel SOIL, aux éditions, M.E.O., Bruxelles, 2020.

Voici un roman très récent, écrit par un auteur belge passionné par le Maghreb et les aspirations à la liberté de ses habitants. Le lecteur se retrouve immergé dans l’âme, la sincérité, les ambiances, les sons, les parfums et les mouvements de foule d’une « révolution », qui naît de la désespérance populaire, vécue au jour le jour et véhiculée par les réseaux sociaux.

J’ai eu le plaisir d’y découvrir toute une jeunesse avide de démocratie et un pays riche d’un passé quasi mythique et d’un présent – certes, celui d’il y a 9 ans déjà – tout en espoirs et en projets.

Elie est belge et cinéaste. Il vient en Tunisie en 2011 pour filmer le retour dans le Sud d’un autre cinéaste, Jean-Jacques Andrien, qui en 1975 avait choisi le village de Guernassa comme théâtre de son film Le fils d’Amr est mort, et ses habitants comme « interprètes ».

Alyssa est tunisienne et prof de français. Elle rencontre Elie, lors d’une conférence aux propos « un peu convenus », dont le thème est « Quelle Tunisie en 2040 ? ». Le courant passe tout de suite entre eux. Les vacances vont lui permettre de devenir l’assistante du cinéaste et ils vont rejoindre Guernassa en traversant le pays au cours d’un voyage passionnant et déjà passionné, car ils sont en train de tomber amoureux, sur fond de musique baroque, à savoir l’opéra de Purcell, Didon et Énée, qu’ils écoutent en boucle dans le vieux minibus.

Cette jeune intellectuelle qui aspire à la vraie démocratie pour sa patrie et à la vraie liberté pour elle-même, est déjà sur la voie de la révolution. A leur retour, celle-ci va surgir du peuple, dégoûté par le pouvoir absolu d’une famille « régnante » et de ses courtisans. Un événement va mettre le feu aux poudres de ce premier « Printemps arabe » : Mohamed Bouazizi, un jeune-homme sans emploi à qui on refuse le droit de vendre quelques fruits et légumes pour survivre s’immole par le feu à Sidi Bouzid. Dès lors, malgré les dangers de la répression policière, tout un peuple va se mettre en marche pour « dégager » les responsables corrompus, les maîtres indignes, les juges injustes, ceux qui soutiennent le pouvoir en place, celui qu’Alyssa appelle le « Sinistre ».

Alyssa et Elie vont vivre leur amour au rythme des manifestations, des « sit-in », des tentatives de répressions, des courses échevelées, des partages fervents avec les autres, comme Nizar qui vient Guernassa et Asma d’El Fahs.

C’est un amour que les interdits de la société obligent à la discrétion, voire au secret, et qui le rendent peut-être de ce fait plus ardent, plus sensuel encore. Mais ce qui le nourrit aussi, c’est la ferveur révolutionnaire, le goût de cette folle liberté à conquérir et ensuite à préserver.

Elie suit tout ce mouvement populaire, caméra à l’épaule et admiration au cœur. Il recueille des témoignages, qu’Alyssa soit auprès de lui ou pas. Et peu à peu, celle-ci se sent parfois délaissée, comme la reine de Carthage dans l’opéra de Purcell.

Je me garderai bien de vous révéler la fin de ce beau roman qui mêle Histoire et fiction, idéaux et réalité, livret d’un opéra du XVIIème siècle et échanges ardents d’amoureux d’aujourd’hui.

Annie Préaux